Des fleurs pour Algernon
Voici le quatrième de couverture pour vous faire une idée :
Algernon est une souris de laboratoire dont le traitement du Pr Nemur et du Dr Strauss vient de décupler l'intelligence. Enhardis par cette réussite, les deux savants tentent alors, avec l'assistance de la psychologue Alice Kinnian, d'appliquer leur découverte à Charlie Gordon, un simple d'esprit employé dans une boulangerie. C'est bientôt l'extraordinaire éveil de l'intelligence pour le jeune homme. Il découvre un monde dont il avait toujours été exclu, et l'amour qui naît entre Alice et lui achève de le métamorphoser. Mais un jour, les facultés supérieures d'Algernon déclinent. Commence alors pour Charlie le drame atroce d'un homme qui, en pleine conscience, se sent retourner à l'état de bête...
Il y a des lectures qui ne vous laissent aucune marque et d’autres qui vous laissent des cicatrices, qui vous font réfléchir bien après avoir achevées votre lecture.
1ère surprise et originalité, le narrateur n’est autre que Charlie Gordon, le personnage principal qui nous livre son aventure à travers des comptes rendus. La qualité des feuillets témoignent à merveille de son handicap et de sa progression. D’abord on s’étonne, on rigole des fautes d’orthographes, puis on apprend son âge...et la situation fait moins rire : Charlie à 32 ans mais la mentalité d’un enfant de 5 ans. Il ne retient rien et ne comprend pas grand-chose. Il sait juste lire et écrire et fréquente un cours pour adultes retardés.
Charlie désire devenir un teligent comme il l’écrit pour se faire des amis et être aimé. Il subit une opération chirurgicale comme jadis une petite souris nommée Algernon dont l’intelligence s’est décuplée. Charlie Gordon est le premier être humain au monde à tester ce miracle technologique. Les jours passent et il devient plus intelligent. Mais son ascension provoquent des tensions, ses amis le rejettent, se sentent rapidement médiocre face à son Q.I de 180.
Devenu ingénieux, Charlie prend conscience de lui-même, il retrouve et renoue avec sa mère et sa sœur, découvre l’amour, les sorties en boites et tout le savoir du monde.
Cependant, le déclin de la petite Algernon est le miroir de son avenir. L’opération fonctionne mais l’effet ne dure pas, aussi Charlie va tenter de trouver la solution au problème. En vain. L’issue est irrémédiable, Charlie redevient progressivement le Charlie d’avant l’opération. « J’ai dépassé votre étage en montant, maintenant je le dépasse en descendant et je ne crois pas que je reprendrais cet ascenseur. »
J’ai trouvé l’œuvre touchante. Cela peut faire rire, l’idée d’un adulte qui ne sait à peine lire et écrire, qui n’a conscience de rien mais ça ne m’a pas fait rireen vérité. Lorsque j’ai fait mon stage au journal du courrier picard. au collège, je me souviens d’un centre que j’avais visité avec des journalistes, un centre de personnes qui accueillaient les adultes en difficultés. J’avais quatorze ans et je n’imaginais pas que cela puisse exister. Des adultes avec la mentalité d’enfant. Ils jouaient à des jeux d’éveils, câlinant des nounours. Ces images sont assez perturbantes et restent imprimées un certain moment.
Les premiers comptes rendus sont géniaux car on se met rapidement à la place de Charlie, comprendre ce qu’il se passe dans son esprit. Sa compréhension des choses est totalement altérée. Il écrit ce qu’il entend mais il entend mal. Il est très naïf et pense que tout juste après l’opération il se réveillera dotée d’intelligence. Mais dés lors, sa mémoire agit comme une éponge, il parvient à retenir et mettre en application, les fautes d’orthographes disparaissent. Il réussit à triompher des testes ratés que les scientifiques lui avait fait passé avant l’opération.
Le 6 avril, sa professeur Miss Kinian, lui apprend l’utilité de la virgule. Euréka ! Avant, on avait le droit à des blocs compacts de mots sans aucune ponctuation. Une pensée qui chemine.
Tout au long du roman, Charlie a des flashbacks de son enfance traumatisante. Sa mère qui ne veut pas comprendre que c’est un enfant attardé, sa sœur est une petite peste jalouse de l’attention apportée à son grand frère débile et son père ne tente rien, rêvant à son salon de coiffure qu’il aurait pu ouvrir si toutes les économies n’étaient pas passées dans des traitements visant à rendre intelligent Charlie.
Un passage m’a fait rire uniquement à cause d’une analogie. Souvenez-vous le Charlie de Anansi Boys, stressé par sa future belle-mère. Il mord dans une pomme…qui se révèle être une pomme en cire ! Dans le compte rendu daté du 10 avril, les « amis » de Charlie lui lance une pomme qu’il croque et qui est également une pomme en cire. « Je vous avez bien dit qu’il la mangerait. Auriez-vous jamais imaginé quelqu’un d’assez bête pour manger une pomme en cire ? »
Les passages qui suivent montrent que Charlie est devenu vraiment intelligent. Autrefois, il écoutait les étudiants et ne comprenait pas un mot de ce qu’ils racontaient. Daté du 15 mai : « C’est étrange, mais lorsque je suis à la cafétéria du collège et que j’entends les étudiants discuter d’histoire, de politique ou de religion, tout cela me semble terriblement puéril. » Daté du 11 juin : « Tu as un cerveau formidable maintenant, une intelligence qui ne peut réellement pas être calculée, tu as déjà absorbé plus de connaissances que la plupart des gens ne peuvent en amasser dans toute une longue vie.
Plusieurs thèmes sont abordés en filigrane dans l’œuvre :
- Le rejet des autres : Soient parce qu’il est bête et ceux qu’ils croient ses amis se jouent de lui et en rient bien, soient parce qu’il est devenu supérieur au commun des mortels. Dans les deux cas, la vie de Charlie s’effondre et n’est jamais telle qu’il l’espérait : heureuse.
- Doit-on modifier la nature humaine ? Si Charlie est né avec des facultés faibles, s’est la volonté du Dieu. C’est le personnage de Fanny, à la boulangerie qui prônent cette idée. « Ce fut un pêché lorsque Adam et Eve mangèrent le fruit de l’arbre de la science. Ce fut un péché lorsqu’ils virent qu’ils étaient nus et qu’ils connurent la luxure et la honte. Et ils furent chassés du Paradis terrestre et les portes en furent fermées pour eux. Si ce n’avait été cela, nul d’entre nous n’aurait eu à vieillir ni à être malade, ni à mourir. »
- Les abus commis sur les personnes sans défense : Francine, au cours d’adultes attardés à l’université Beekman, abusée par beaucoup d’hommes, ayant eut trois enfants avant ses dix huit ans.
- Les traumatismes liés à un choc : Charlie est ceinturophobe… Peur d’être attaché, mettre une ceinture. Une peur liée à son passé… (Voir moment où il prend l’avion pour Chicago)
- Les débiles sont-ils des animaux ? Les scientifiques campent la position qu’un homme qui n’a pas de conscience de lui-même n’est pas un homme. Lorsque le pr Nemur et le dr Strauss parlent de Charlie à la convention, il le réduise à un animal. Or, il était humain avant l’opération. Et même s’il n’avait pas réussit les tests de personnalité, ça ne faisait pas de lui un animal…
- Le sort des handicapés mentaux.
- A quoi sert une opération de cette envergure sinon qu’à instaurer une nouvelle sorte de discrimination ?
Petit passage qui m’a fait penser à SAD : « Je poussai la porte et m’immobilisai sur place. Debout, devant un chevalet, une blonde élancée, en soutien-gorge et petite culotte rose, peignait » Y a toujours une blonde… eh oui !
Petit passage 2 qui m’a fait penser à SAD : « Charlie, je ne t’ai jamais entendu parler comme ça. Et arrête de me regarder comme si tu avais envie de m’avaler tout entière » On a faillit frôler le cannibalisme.
Je ne parlerai pas de tout, il faut en laisser pour les autres. Le fait que le Charlie d’avant l’opération ressurgisse est brillant. Les retrouvailles avec sa mère et sa sœur sont émouvantes. Sa sœur reconnait qu’elle était une petite chieuse quand à sa mère, elle doit avoir la maladie d’Alzheimer avec des phases de lucidité, moment où elle reconnait Charlie et est heureuse de savoir qu’elle avait raison, la science pouvait lui donnait l’intelligence qu’il méritait.
Le courage d’aller visite l’asile où il sait qu’il finira ses jours, la descente en enfer narré avec brio…
Je n’ai pas honte de le dire, j’avais les larmes aux yeux en lisant les dernières lignes. Charlie est redevenu idiot, la mémoire lui fait à nouveau défaut, il n’est plus capable de rien. Mais il a retrouvé la bonté et l’humanité d’avant l’opération. La connaissance l’avait changé, il était devenu un autre, un cerveau cynique et plein d'orgueuil.
Il décide de terminer ses jours à l’asile Warren pour ne pas être l’objet de raillerie dans son ancien travail. Ceux qui se moquaient de lui sont devenus de vrais amis mais il ne veut causer de mal à personne c’est pourquoi il se retire du monde.
Malgré ses pertes de mémoires, il se souvient de certaines choses et laisse dans son dernier compte rendu deux post Scriptum – l’un au professeur qui l’a opéré, un conseil pour que les gens l’apprécient – l’autre une requête : mettre quelques fleurs sur la tombe de la souris Algernon.
On s’attache très vite à ce héros, puis au fil de son ascension on l’apprécie moins. Son caractère change, il devient arrogant et cynique mais on ne peut s’empêcher de revenir sur notre premier jugement. Charlie est devenu le fruit d’une expérience. Cette opération lui a offert un cadeau empoissonné, son monde fini par s’écrouler. Il me fait penser à l’image d’un morceau de sucre qui finit par se désagréger. Quand Algernon commence à décliner, Charlie sait que ça lui arrivera de la même façon. Il entreprend un combat aveugle qu’il est le seul à résoudre car il est l’homme le plus intelligent au monde.
Je conseille ce livre à tout le monde.
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Daniel Keyes est né en 1927 à Brooklyn. Au sortir de ces études, il s'engage pour quelques années dans la marine marchande. Il devient en 1950 rédacteur en chef de Marvel Stories, puis il obtient le poste de professeur à l'université de l'Ohio. Des fleurs pour Algernon sera adapté au petit écran puis au cinéma par Ralph Nelson en 1968 sous le nom de Charly.
Ce livre est sorti en 1966. C'est un classique de Science-Fiction. Daniel Keyes a gagné deux grands prix pour ce bouquin.
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Curieusement je suis allée sur google pour voir s'il y avait eu des films. J'ai trouvé plein de chose sur youtube, je comprends que cette oeuvre ait eut de l'ampleur mais aucune vidéo ne m'a satisfait. Je préfère me garder mon charlie, miss kinian et les autres personnages tels que je me les imaginais.