Un roman que j'ai dévoré et qui m'a lui même dévorée. Il a élaboré à partir d'un fait divers réel qui défraya la chronique de l’Angleterre puritaine, après l’avènement de Cromwell.  Une jeune fille, Anne Green, accusée d’infanticide, fut pendue mais survécut à son supplice.

Un chapitre sur deux est narré par Anne, à la première personne. Le texte est d'une si grande fluidité que je me suis rapidement glissée auprès de cette jeune fille et que j'ai pu revivre à ses côtés  tous les évènements qui l'ont amené devant le gibet. Anne raconte comment elle s'est laissée naïvement abusé de son maître, comment il l'a rejeté en lui apprenant qu'elle était enceinte et que cela lui a porté malheure puisque le Sir Thomas Reade, le maître des lieux, juge de paix, usa de son pouvoir pour qu'elle ne s'en sorte pas et ne puisse détruire sa famille. Je dois dire que mes yeux se sont remplis de larmes alors qu'elle disait adieu à sa famille et lorsqu'on lui a dit que son heure avait sonné et qu'elle devait s'en remettre à son destin et à Dieu. Malgré tout, l'histoire se termine bien.

Les autres chapitres, jusqu'à la dernière partie, sont  écrits à la troisième personne et de grands médecins de l'académie d'Oxford s'apprêtent à disséquer le corps de Anne, jusqu'à ce que Robert Matthews, un bègue introverti ne décèle des signes de vie. Mouvement faible des paupières, souffle... La dissection est arrêtée et les médecins entreprennent alors de l'aider à retrouver la vie.

Dans la dernière partie, eh bien, ma foi, ce sera à vous de le découvrir !

Au tout départ, j'ai pensé, est-ce que de jeunes ados pourraient réellement lire ce genre d'histoire sans être effrayés ? Le livre porte la mention à partir de treize ans mais...à treize ans, aurais-je été préparé à lire ça ? Je ne suis pas sûr. Sur toute l'histoire plâne le spectre de la mort, le récit s'ouvre sur Anne gisant dans son cercueil qui ne sait pas bien si elle est morte et ce qu'elle redoute le plus c'est d'être enterrée, six pieds sous terre et d'être vivante !! Et puis il y a ces passages comme celui-là qui m'ont fait penser que ce livre devrait plutôt être destiné à un public plus avertis : "Ce corps qui allait à présent être scié, démembré, sectionné, incisé, dépecé, tranché, écorché, eviscéré. Rien d'elle qui ne serait touché, examiné et enregistré. Même son cerveau - le docteur Willuis portait un grand intérêt au tissu cérébral - serait mis à nu, pesé, analysé, contemplé, croqué au fusain et finalement conserver dans du vinaigre."

La condition des femmes du bas peuple, les progrès de la médecine grâce au dissection, la place de l'âme sont autant de thèmes tissés les uns aux autres avec habileté et finesse, sans jamais tomber dans le sensationnalisme du fait divers ou la complaisance. Au contraire, le monologue intérieur de la jeune condamnée est d’autant plus poignant que sa solitude et ses interrogations sont universelles.

J'ai relevé quelques extraits de ces thèmes :

"Nous ne devons pas oublier que ce sont des gens simples et que tout cela risque de dépasser leur entendement" --> de nombreux passages montre comme les paysans, les forgerons, boulanger, laitiers, tous ceux qui vivent dans la misère ne sont rien en comparaison à la noblesse et à la bourgoisie. D'ailleurs, une noble peut avoir une fausse couche et cela passe - en revanche, une pauvre a un enfanticide et elle est marquée au fer, fouettée, dilapidée ou pendu. De quelle classe font partie les cadavres disséqués par l'académie de médecine d'Oxford ? Beaucoup de paysans sont illétrés certes, mais ils ont un coeur et l'argent ne les pousse pas à des mariages de relation.

"Où était donc passée cette part animée d'Anne Green ? Etait-elle toujours enfouie dans son corps ou bien s'était-elle volatilisée dans un autre univers ? Et si elle s'y trouvait encore, s'en échapperait-elle dès le premier coup de scapel pour s'envoler au loin ? La fenêtre devrait-elle alors être ouverte ?" --> où se situe l'âme, dans le corps, dans la tête ou le coeur ? Encore aujourd'hui, je ne sais pas si on a situé l'âme... Peut-être la tête car si on perd la tête, nous ne sommes plus rien... et peut-être pas. Je ne sais pas, peut-être est-ce un voile invisible qui nous enveloppe, juste en dessous de notre peau... Toujours est-il que cette question reste en suspend.

" Je suis persuadé qu'un grave traumatisme au cours de l'enfance peut provoquer un bégeaiment. Je n'en connais pas la raison, mais un choc peut parfois nous faire intériosiser nos émotions - en d'autres termes, nous les avalons et ressentons alors une répugnance à articuler quoi que ce soit" --> hypothèse du Dr Wallis quand à la cause du bégaiement.

"Il y en a qui dise que cette femme est une sorcière, mais je n'en crois rien ; elle n'est qu'une vieille femme toute voûtée, qui vit avec ses trois chats et un renard boiteux. [...] Si elle était une véritable sorcière, le diable n'aurait-il pas fait en sorte qu'elle vive dans un meilleur confort ?" --> un autre passage parle d'un prête qui condamna une fille pour sorcellerie et que deux cent autres suivirent mais qu'aujourd'hui, il vivrait reclu quelque part...

Le plus étonnant dans tout ça et que dans mes deux dernières lectures, il y avait une Scarlett ;-) et qu'il y a dans ce roman une poule nommée Scarlett en raison de ses teints roux. Alors j'ai pensé à la seule vraie Scarlett que je connaissais et ses cheveux rouge !!! et la couleur de son aura...rouge !!

A la toute fin du roman, l'auteur nous explique que l'histoire est vraie, qu'elle s'est longuement documenté, qu'elle a visité l'ancien manoir des Reade où a travaillé Anne en tant que servante et a seulement imaginé les dialogues et les quelques autres réfléxions secondaires que j'ai cité au dessus. Elle nous donne également des pistes pour expliquer comment Anne aurait survécu à la potence, noeud mal sérré, noeud mal placé ou encore la météo et le froid qui aurait en quelque sorte congelé son cerveau la protégeant d'un manque d'oxygène.

Le titre est un peu érroné. Anne n'est pas une messagère, elle ne reçoit aucun message, elle ne voit aucun ange, pas de prairie, elle était dans l'obscurité puis peu à peu, la lumière l'a de nouveau enveloppée, la lumière de la vie. Elle aurait pu devenir une icône religieuse, une sainte, mais toute sa vie, elle resta humble avec elle-même. Honnête.




L'auteur :


Mary Hooper, qui vit en Angletterre, écrit depuis plus de vingt ans et se consacre aujourd'hui à l'une de ses passions, le roman historique. La Messagère de l'au delà est son premier ouvrage publié en France. --> Et moi je suis toute contente d'être tombée dessus et d'avoir découvert l'histoire incroyable de cette jeune servante qui a finalemement triomphée de sa mort prématurée. 



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